Gabon : Les enjeux du Référendum au-delà du OUI ou du NON, selon Jocelyn Louis N’Goma
LIBREVILLE (Equateur) – Le samedi 16 novembre prochain les gabonais se rendront aux urnes pour approuver ou non la nouvelle loi fondamentale proposée par les autorités de la Transition. Mais pour Jocelyn Louis N’Goma, acteur de la société civile, au-delà du OUI ou du NON, le vote de la nouvelle Constitution est en réalité l’appel à un véritable changement de mentalité. Lecture.
À quelques jours du référendum sur la nouvelle Constitution, une question essentielle doit se poser : ce texte apportera-t-il réellement le changement que le Gabon attend ? Loin des promesses de campagne, il faut regarder la réalité en face : ce ne sont pas les textes qui posent problème dans notre pays, mais la volonté des hommes de les respecter. Peu importe que l’on vote OUI ou NON le 16 novembre, si nos mentalités ne changent pas, cette Constitution ne sera qu’un papier de plus, oublié et piétiné, comme tant d’autres avant elle.
Le problème n’a jamais été les textes. Au Gabon, ce qui fait défaut, c’est leur application. Nous ne sommes pas confrontés à une crise de Constitution, mais à une crise de conscience. Ce n’est pas la souveraineté du peuple qui a échoué, c’est le fait qu’on l’a systématiquement bafouée, méprisée, refusée. Ce sont nos comportements et nos choix, notre culture de la fraude et de l’abus, qui ont toujours été le vrai poison.
En 2009, ce n’était pas la Constitution qui posait problème. Ce sont les hommes, avec leur tripatouillage, leur recours systématique à la fraude. En 2016, ce n’était pas le texte de loi ni la volonté populaire qui étaient en cause. C’était la trahison, encore, la fraude érigée en méthode de gouvernance. En 2023, nous nous dirigions droit vers la même impasse. La corruption, est-elle le résultat des textes qui l’interdisent ? Non. Elle est le fruit des hommes qui les méprisent. C’est cela, la vérité que l’on doit regarder en face.
Aujourd’hui, l’enjeu ne se trouve pas dans le vote en lui-même. La véritable question n’est pas de choisir entre le OUI et le NON. Elle est de savoir si nous allons continuer sur cette route tordue, ou enfin accepter de changer. Le respect de cette Constitution, comme de toutes celles qui l’ont précédée, ne dépendra que de notre décision de transformer nos mentalités. Car une constitution, si parfaite soit-elle, restera inutile, si les hommes qui l’appliquent persistent dans leurs abus et leur malhonnêteté. Rien ne changera sans un changement profond de la part de chacun d’entre nous.
Cependant, il est impératif de voter OUI lors de ce référendum, non parce que ce texte est une solution miracle, mais parce qu’il nous offre l’opportunité de revenir à un état constitutionnel normal, une chance de restaurer l’ordre et de reprendre une vue claire de notre avenir collectif. Refuser ce retour à un cadre constitutionnel, c’est rester aveuglé par le chaos actuel. Le OUI est un pas vers la stabilité institutionnelle, un pas vers la normalisation qui est essentielle pour tout changement durable. Mais ce vote n’aura de sens que si nous nous engageons aussi à changer nos comportements, à respecter cette nouvelle constitution, et à redonner du sens aux valeurs qui ont été abandonnées.
Les partisans du NON sont sans doute les plus à craindre dans cette situation. Quel est leur projet en votant NON, si ce n’est de prolonger la durée de la transition, de maintenir un flou institutionnel et d’éviter que la normalisation constitutionnelle ne s’instaure ? Leur choix, loin d’être un acte de résistance démocratique, semble plutôt une tentative de prolonger un statu quo, qui ne fait que nourrir l’instabilité et retarder le changement que le Gabon mérite. En votant NON, ils risquent de nous faire basculer dans une nouvelle période d’incertitude, avec des conséquences néfastes sur la gouvernance et le développement de notre pays.
Dans ce contexte, il est important de rappeler, qu’à la faveur de la transition actuelle, les militaires ont pris une initiative audacieuse, un « coup de liberté » qui a ouvert un nouveau champ de réflexion sur la gouvernance et l’avenir de notre nation. Ce geste, bien que marquant une rupture, rappelle que le peuple, ou du moins une partie de ses défenseurs, est prêt à remettre en question un système qui ne fonctionne plus. Les militaires ont réagi à un état de crise politique, mais en même temps, ils ont contribué à amorcer un dialogue sur les bases d’une nouvelle direction.
Cependant, cette liberté n’a de sens que si elle est canalisée dans une démarche constructive, au-delà de l’instabilité actuelle. Si nous rejetons ce moment comme un coup de force, nous risquons de laisser passer une chance de rebâtir le pays. La constitution ne peut pas, à elle seule, imposer son respect aux esprits tordus. Seule l’éducation à la citoyenneté peut redresser ces comportements déviants, redonner à notre société un sens des valeurs et de la responsabilité collective.
Mais tant que nous justifierons nos erreurs en les comparant à celles de ceux qui ont fait pire que nous, tant que nous continuerons à classer les criminels en bons et mauvais, selon qu’ils partagent ou non leur butin, nous resterons enfermés dans ce cercle vicieux de l’immoralité. Voilà le vrai mal qui ronge le Gabon.
Voter OUI au référendum, c’est choisir de donner une chance à un retour à la normalité institutionnelle, mais cela n’aura aucun effet sans une véritable réforme des mentalités. Nous n’avons pas besoin d’une énième Constitution pour sortir de cette impasse ; ce dont nous avons besoin, ce sont des femmes et d’hommes prêts à incarner les principes de justice et d’intégrité. Tant que nous ne changerons pas, cette nouvelle Constitution, comme toutes les autres, restera inutile. Sa valeur dépendra de notre capacité à changer, à nous élever au-dessus des pratiques corrompues et à bâtir une société où la justice et la volonté populaire ne sont plus des concepts vides, mais une réalité vécue.
Jocelyn Louis NGOMA, Acteur de la société civile