Gabon/racket des agents des FPN : Le communiqué du commandement en chef ne changera rien
LIBREVILLE (Equateur) – Trois racketteuses des Forces de police nationale (FPN) du Gabon, filmées entrain de se partager le fruit de leur racket de la journée, ont été identifiées par le commandement en chef des FPN, qui a annoncé mardi 4 février dernier dans un communiqué, des représailles contre ces dernières. Mais pour bon nombre des gabonais, qui vivent au quotidien le racket des policiers et gendarmes qui le font au vu et au su de tous sans être inquiétés, ce communiqué du commandant en chef ne changera rien.
Trois agents des Forces de police nationale (FPN) du Gabon, ont été filmés entrain de se partager de l’argent, fruit de leur racket de la journée. La vidéo de leur forfait circule depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux. Informé de la situation et après vérification des faits, le commandant en chef des FPN, a publié mardi 4 février dernier, un communiqué dans lequel il déplore l’attitude irresponsable de ces agents des forces de l’ordre, affectés pour la régulation de la circulation.
« (…) les policiers déployés sur la voie publique, dans le cadre de la mission de régulation de la circulation, doivent non seulement poser des actes conformes à la loi, adopter des attitudes sans équivoque mais aussi incarner, à chaque instant, l’autorité de l’Etat, en vue de promouvoir l’image qui fait de la police un service public respectable et proche du citoyen. Or, de tels faits aux antipodes des valeurs professionnelles prônées au sein des unités et services, jettent l’opprobre sur les Forces de police nationale », déclare le commandant en chef dans ce communiqué.
Aussi, condamnant avec la plus grande fermeté ces agissements, le premier responsable des FPN annonce aux populations, que les trois racketteuses interpellées et identifiées, ont été mises à la disposition de l’inspection générale des FPN, « chargée d’établir les responsabilités des uns et des autres, et de prendre les sanctions disciplinaires qui s’imposent, conformément aux lois et règlements en vigueur », dit-il.
Mais pour certains usagers qui vivent au quotidien le racket des agents des FPN et de la Gendarmerie nationale, qui les pratiquent aux yeux de tous sans être inquiétés, cette communication du commandement en chef des FPN, ne changera rien. Selon leur dire, ce n’est pas la première fois que des agents sont rappelés à l’ordre et sanctionnés dans le cadre du racket. Pourtant, d’autres continuent de le faire.
« Les agents racketteurs sont connus, leurs sites d’opération et les personnes qui les envoient également, car un agent ne peut pas aller sur le terrain sans être envoyé par un supérieur. Malgré les menaces du chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba depuis 2010, les mises en garde des ministres de l’intérieur qui ce sont succédés depuis 2011, et de la Préfecture de police l’an dernier, ces agents continuent de racketter comme si de rien n’était. C’est la preuve que cette pratique qui ternit l’image des FPN, de la Gendarmerie et par extension du Gabon, est entretenue », insistent-ils.
Pour d’autres, si le communiqué du commandant en chef a le mérite de dénoncer et de rassurer les populations, cependant il ne règle pas la question du racket. « D’aucuns estiment que ce communiqué est une plaisanterie pour la simple raison, qu’il n’annonce aucune mesure prise pour mettre un terme à cette pratique. C’est bien de dire que les personnes ont été interpellées et identifiées. Et après, qu’est-ce qu’il propose comme mesure pour régler le problème ? C’est ce que nous attendons », déclarent-ils.
Des mesures pour régler le problème du racket. C’est bien ce qu’attendent les gabonais. L’année dernière la Préfecture de police mettait en œuvre des gilets d’identification des commissariats et des agents autorisés à effectuer des contrôles. Malheureusement, ces gilets n’ont fait que normaliser la pratique du racket. Il faut donc une autre mesure qui cette fois-ci oblige les policiers affectés pour réguler la circulation, à éviter de soutirer ou de prendre de l’argent.
Cette mesure se trouve certainement dans le déploiement sur le terrain des agents en civile de l’inspection générale de la police, pensent M. Aworet, un officier supérieur des FPN à la retraite. « L’inspection générale est la police des polices. Elle ne mène pas que des enquêtes pour le compte des autorités judiciaires, mais vérifie aussi que les services de police appliquent les règlements dont les missions de contrôle des policiers sur le terrain, si elles sont faites conformément à la loi », martèle-t-il.
Ainsi donc, en nous référent à la déclaration de M. Aworet, l’inspection générale de la police serait donc responsable de la prolifération du racket par les agents des FPN, dans la mesure où elle ne ferait pas son travail de contrôle sur le terrain. Sinon, comment expliquer la prolifération du racket à Libreville et dans d’autres coins du pays ? Pourquoi l’inspection générale de la police n’envoie-t-elle pas des agents en civile sur le terrain, pour interpeller ces policiers racketteurs qui pourtant ne se cachent pas ?
Pour en savoir un peu plus sur l’immobilisme de l’inspection générale de la police face à la pratique du racket dans les différentes villes et quartiers du Gabon, nous avons interrogé un haut gradé de ce corps, qui nous a confié qu’elle n’était pas sous l’autorité du commandement en chef, mais plutôt du Cabinet du ministre de l’intérieur. En clair, elle n’a pas d’ordre à recevoir du commandement en chef des FPN, ni de comptes à lui rendre. Ce qui constitue un obstacle majeur pour le commandant en chef qui veut mettre un terme à cette pratique, soutient-il.
Il revient donc au ministre de l’Intérieur, Lambert Noël Matha, d’ordonner à l’inspection générale de la police, de mettre des agents sur le terrain, pour traquer et arrêter les policiers qui s’adonnent au racket. Il y va de l’image des FPN et du Gabon.
Levi NGOMA