Intégralité du discours de la présidente du Sénat, à l’occasion de l’ouverture de la première session ordinaire 2020
- Excellence, Monsieur le Premier Ministre,
- Excellence, Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
- Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,
- Chers Collègues,
- Mesdames et Messieurs,
C’est avec le même plaisir renouvelé, que je prends la parole pour souhaiter à tous, la bienvenue dans cette salle Jean Hilaire OBAME du Palais Omar BONGO ONDIMBA, à l’occasion de l’ouverture de notre première session ordinaire de l’année 2020. Je vous exprime toute la joie que j’éprouve de me retrouver parmi vous, et de côtoyer à nouveau mes Collègues, mais aussi le personnel administratif du SENAT, maillon silencieux et combien indispensable à la bonne marche de notre assemblée.
Nous saluons et remercions tout particulièrement et chaleureusement,
– Monsieur le Premier Ministre,
– Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
– les Membres du Gouvernement, ici présents.
Comme à l’accoutumée, vous nous honorez, et contribuez tous, par votre présence, à rehausser l’éclat de cette sobre cérémonie Républicaine, que nous organisons ici, à huis clos, pour des raisons que tous, nous connaissons.
- Distingués Invités,
- Vénérables Sénateurs,
Au moment où nous allons reprendre nos travaux parlementaires, ayons une pensée pour nos trois collègues sénateurs, décédés pendant l’intersession :
– Vénérable Gabriel NGOSSO,
– Vénérable Jean-Baptiste ABESSOLO et Vénérable Jean-Paul MANFOUMBI.
A la mémoire de ces disparus, Mesdames et Messieurs, je vous prie de bien vouloir vous lever pour observer une minute de silence et de recueillement.
(Minute de silence)
Je vous remercie.
- Monsieur le Premier Ministre,
- Mesdames et Messieurs,
Ces dernières semaines, ont été marquées par une riche actualité, et l’une d’elle hantera encore longtemps notre mémoire. Il s’agit du décès le 24 janvier, de deux citoyens innocents, Patrick OBAME EYEGHE et Stanislas MBA NGOUA, lynchés par une foule hystérique, indifférente et inconsciente de l’extrême gravité des faits. En partageant sur les réseaux sociaux, la mise à mort de ces deux compatriotes, les auteurs ont tout simplement glorifié le crime, en le maquillant de fausses et illégitimes accusations.
Le risque, Mesdames et Messieurs, pour notre pays, est, non seulement, l’installation insidieuse et dangereuse, d’une indifférence coupable à la détresse de l’autre, mais surtout, l’apparition de groupuscules d’inquisiteurs, chargés de désigner des coupables, de les juger et d’appliquer une justice de la rue. Nous sommes tous, dans cette salle, des OBAME EYEGHE et des MBA NGOUA, parce que nous aurions pu ce jour-là, nous retrouver au mauvais endroit, au mauvais moment, et du mauvais côté.
Ne nous endormons donc pas dans une sécurité périlleuse, et que l’alerte, de ce vendredi 24 janvier 2020, nous serve de leçon, pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus jamais. Le point de départ de ce débordement d’agressivité populaire, aura été le partage apparemment naïf pour certains, mais vraisemblablement prémédité pour d’autres, d’images supposées d’enlèvements de personnes, en particulier des élèves, ayant conduit à cette libération, de pulsions meurtrières.
Il y a quelques jours encore, des graffitis ont été transcrits sur la devanture de la Cathédrale Sainte Marie, rappelant à notre souvenir le petit Rinaldi, qui n’a hélas toujours pas été retrouvé. La Nation se doit de porter un témoignage de mémoire, pour prévenir et sévir de tels comportements. Elle doit pour cela, mettre en œuvre tous les instruments juridiques nécessaires dont elle dispose; et le parlement, Monsieur le Premier Ministre, est solidaire, de toutes les démarches, que le Gouvernement pourra entreprendre, pour assurer la sécurité des personnes et des biens.
L’image de notre pays à l’international est peu reluisante, à propos des crimes rituels, qui sont en fait des assassinats sacrificiels commandités, à des fins de conquêtes de pouvoir. Sous d’autres cieux, ce sont les albinos qui paient un lourd tribut à ces pratiques barbares. Les différentes sources d’information, souvent contradictoires, ne permettent pas toujours, de se faire une idée objective. Il apparait néanmoins que des crimes crapuleux existent bel et bien, mais qu’ils donnent lieu à toute sorte de rumeurs, et surtout d’instrumentalisations politiques ; ce phénomène est devenu une arme redoutable, pour éliminer des adversaires encombrants.
Monsieur le Premier Ministre, ne serait-il pas possible, qu’une véritable communication d’alerte en temps réel, soit donnée, chaque fois qu’il y a des disparitions de personnes, et que les enquêtes aboutissent afin de rassurer nos populations ; et si coupables il y a, que force reste à la loi ?
- Monsieur le Premier Ministre,
- Chers Collègues,
La planète est devenue une grande cité, et les frontières perméables aux flux des voyageurs. Ce qui se passe chez le voisin, ne devrait pas nous laisser indifférents, ni nous surprendre. Partout dans le monde le Covid 19 gagne du terrain ; la psychose du « coronavirus » grandit. Aussi, nous encourageons toutes les initiatives prises par le Gouvernement, notamment, le renforcement des mesures préventives.
Avec l’apparition sur le continent Africain des premiers cas de cette maladie, aujourd’hui considérée comme une pandémie potentielle, nous devons redoubler de vigilance, en poursuivant et en intensifiant les campagnes d’informations de proximité, aussi bien auprès de nos populations, que vis-à-vis du personnel soignant. L’OMS invite tous les pays épargnés, à se préparer, et à avoir une grande mobilisation agressive, non seulement, à l’échelle nationale, mais également, en partageant des informations et les expertises au niveau régionale.
L’objectif n’est pas de créer la peur, mais de faire une véritable prophylaxie. Aussi, il nous faut, apprêter les moyens diagnostics nécessaires, et identifier des structures d’accueils, pour d’éventuelles prises en charge des patients contaminés et des malades, aussi bien à Libreville, qu’à l’intérieur du pays.
Lors de la réunion des experts nationaux des pays et partenaires internationaux, pour le renforcement de la prévention de cette maladie dans la Zone CEMAC, qui vient de se tenir en Guinée Equatoriale, le Professeur Daniel ONA ONDO, a attiré l’attention des pays membres de la sous-région, sur les conséquences déjà visibles du Covid 19 sur nos économies. Elles se traduisent déjà par la baisse, non seulement, des importations depuis les grands pays fortement impactés par la propagation du virus, mais aussi, par la baisse de la production et du coût du baril du pétrole sur le marché international.
Nous devons nous préparer à une baisse éventuelle de nos prévisions budgétaires.
- Monsieur le Premier Ministre,
- Distingués Invités,
- Chers Collègues,
Monsieur le Président de la République, Son Excellence Ali BONGO ONDIMBA, lors de son adresse à la Nation, nous rappelait que c’est dans les épreuves surmontées ensemble, que se forge le caractère ; et que nous sommes tous liés, dans une même communauté de destin, parce que membres d’un même pays. Notre devise : UNION-TRAVAIL-JUSTICE, repris dans son discours, est une invitation à surmonter nos oppositions, pour bâtir ensemble une nation forte et unie.
Il a par ailleurs insisté, sur les attentes légitimes et de plus en plus exigeantes de nos populations ; et a demandé aux dirigeants publics, de changer de paradigme, en passant d’une idéologie d’annonces, à celle des résultats. Des résultats fortement attendus en particulier, sur des priorités qu’il a énuméré, parmi lesquelles, la route, l’école, la santé, l’emploi, et tout ce qui peut améliorer le quotidien de nos compatriotes.
Aussi, nous vous invitons et vous encourageons, Monsieur le Premier Ministre, malgré l’adversité conjoncturelle, à concentrer vos efforts et votre énergie, à la réalisation des projets instruits par le Chef de l’Etat. Il y va aujourd’hui, de notre crédibilité à tous, si nous ne voulons pas voir notre population, gagnée par une lassitude irréversible.
- Chers Collègues,
Après deux mois de relatif repos, relatif parce que chacun de nous, en a profité pour renouer avec ses populations, pour la traditionnelle restitution du travail parlementaire. Nous voici à nouveau rassemblés, avec en mémoire bien sûr, toutes les préoccupations de nos populations, mais aussi, le savoir-faire ensemble, que nous avons tissé, au sein de notre parlement. Ø
Vénérables Sénateurs,
Nous représentons la Chambre Haute du Parlement, peuplée d’Intelligence et de Sagesse ; En ces moments actuels, où la morale a troqué l’égoïsme contre la sensibilité et la solidarité, je reste persuadée, que nous poursuivrons notre labeur avec la même sérénité. Aussi, gardons-nous, Chers Collègues, d’attiser entre nous et autour de nous, des braises d’intolérance, et d’entretenir des voix de discorde, qui ébranlent dangereusement notre vivre ensemble.
Partageons ces valeurs républicaines que nous aimons énoncer avec fierté, et défendons leurs principes, dans le respect de nos différences. Je nous invite tous, à reprendre nos travaux avec le même enthousiasme, dans la cordialité habituelle, en ayant pour cime de référence, la Patrie, et les populations de nos collectivités que nous représentons.
- Monsieur le Premier Ministre,
- Distingués Invités,
- Mesdames et Messieurs,
La session qui s’ouvre aujourd’hui, est marquée par une question existentielle, pour non seulement, l’avenir de notre Institution, mais également, sur celui du Bicamérisme parlementaire, et qui avait été porté sur les fonts baptismaux, par celui-là même dont notre palais porte le nom, Omar BONGO ONDIMBA, et envers qui nous avons un devoir de mémoire et de reconnaissance.
Le problème essentiel relevé, est le décalage existant entre le mandat des Sénateurs et celui des élus locaux. Ce débat, loin d’être récent et original à notre pays, avait été soulevé par les Sénateurs eux-mêmes il y a deux ans. La même problématique, s’est posée sous d’autres cieux, en particulier en Afrique, et des solutions idoines ont été trouvées. Le SENAT quant à lui, est rassuré de voir resurgir sur l’espace institutionnel, une question dont la pertinence n’est plus à démontrer.
Quoiqu’il en soit, conscients de la Solidité, de la Solidarité de nos Institutions, et de la sagesse du dialogue, nous restons persuadés, que la préoccupation qui est soulignée, entre le mandat des Sénateurs et celui des élus locaux, finira par trouver son épilogue, toujours dans l’intérêt de la République, en vue de renforcer son unité, et de raffermir la démocratie parlementaire bicamérale.
- Monsieur le Premier Ministre,
Vous nous permettrez de rappeler, à nouveau, à votre haute attention, les attentes de nos collectivités, sur l’effectivité des lois sur la décentralisation et le transfert des compétences. Nos petites communes et nos assemblées départementales, éprouvent beaucoup de difficultés, à engager la totalité des ressources mises à leurs dispositions. L’Etat central doit accompagner et faire confiance à l’Etat local. Les services déconcentrés de l’arrière-pays, devraient bénéficier de la plénitude de leurs moyens, avec des marges de manœuvre et d’appréciation suffisantes. Dans une société devenue complexe, le pouvoir ne peut plus s’organiser, ni s’exercer, uniquement de manière centralisée et verticale ; il est impératif d’associer nos responsables locaux, à la gestion effective de leur territoires.
- Monsieur le Premier Ministre,
- Chers Collègues,
- Mesdames et Messieurs,
Nous vivons un peu partout dans le monde, des moments de défiance, dans notre espace sociétal ; défiance vis-à-vis des élites, défiance vis-à-vis des politiques, défiance vis-à-vis des médias. Le regard de nos concitoyens et même celui de nos enfants, nous interpellent tous, et nous contraint à des meilleurs résultats, à de meilleurs comportements, à un meilleur vivre ensemble, à des sacrifices personnels et collectifs et surtout à un sursaut de patriotisme pour un Gabon fort.
C’est sur cette invitation d’espoir, que je vais clore mon propos, en vous réitérant, Distingués Invités, Mesdames et Messieurs, mes vifs remerciements et ma profonde gratitude.
Sur ce, je déclare ouverte la première session ordinaire du Sénat de l’an 2020.