Gabon : Le journaliste Steve Makanga condamné à payer 10 millions à Maganga Moussavou en violation de l’article 158 du Code pénal
LIBREVILLE (Equateur) – Le Gabon est-il vraiment un état de droit où la justice est au service de tous ? C’est la question que se posent de nombreux gabonais au lendemain de la condamnation infligée au journaliste et directeur de publication du média en ligne Kongossanews, Steve Roméo Makanga, par le Tribunal correctionnel de Libreville dans le procès pour outrage, qui l’opposait à l’ancien vice-président de la République, Pierre Claver Maganga Moussavou. Il semblerait que l’article 158 du Code pénal qui traite de l’outrage envers un dépositaire de l’autorité, n’a pas été appliqué par la justice gabonaise.
Le 4 août 2020, le président gabonais Ali Bongo Ondimba, a présidé le Conseil supérieur de la magistrature au cours duquel, il a rappelé aux magistrats la nécessité de pratiquer une justice équitable pour tous, qui s’appuie sur les textes. Malheureusement, ce vœu exprimé par le garant des institutions gabonaises, n’a pas été entièrement appliqué dans le procès pour outrage, qui opposait l’ancien vice-président de la République, Pierre Claver Maganga Moussavou, au journaliste et directeur de publication du média en ligne Kongossanews, Steve Roméo Makanga.
Si on peut se réjouir du respect par les juges des articles 41 et 44 de la loi n°019/2016 du 9 août 2016 (Code de la communication) relative à la dépénalisation des délits de presse, il n’en demeure pas moins que l’article 158 du Code pénal qui traite de l’outrage envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique, n’a pas été respecté.
En effet, selon cette disposition juridique, l’outrage envers le président de la République, commis en quelque lieu, en quelque occasion ou par quelque moyen que ce soit, est puni d’un emprisonnement de cinq ans au plus et pourra l’être en outre d’une amende d’un montant de 5.000.000 de francs CFA au plus. Ce qui signifie que les juges auraient dû appliquer cette disposition à Steve Roméo Makanga, car la loi est claire : l’outrage envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique, ne peut aller au-delà d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 5.000.000 de francs CFA.
Ainsi, le directeur de publication du média en ligne Kongossanews ayant outragé le vice-président dans l’exercice de ses fonctions de journaliste, ne pouvait en aucun cas écopé de l’emprisonnement de 5 ans à cause de la dépénalisation des délits de presse. Par ailleurs, il ne pouvait également être condamné à payer une amende supérieure à 5.000.000 de francs CFA si on s’en tient à l’article 158 du Code pénal. Or, le mercredi 3 février dernier, au terme du procès, il a été condamné à payer une amende de 10 millions de francs CFA à Pierre Claver Maganga Moussavou, en total violation de l’article 158 du Code pénal. Les juges auraient-ils fait exprès de fouler au pied cet article ? Ou serait-on en présence d’un règlement de compte ?
Parlons un peu de l’article 158. Bien que n’étant pas juriste ou magistrat, il est évident pour le gabonais lambda, qu’il ne concerne que le Chef de l’Etat. C’est le niveau de sanction le plus élevé pour un outrage. Autrement dit, toute autre personne en dehors du président de la République, pourrait voir cette peine pour outrage revue à la baisse. Car aucun citoyen, quelque soit son titre, ne peut prétendre être au-dessus ou plus important que le président de la République.
Ainsi donc, pour la peine privative de liberté, on pourrait se situer entre 1 et 3 ans d’emprisonnement, et 1 à 3 millions de francs CFA comme amende. Pourquoi donc avoir condamné Steve Roméo Makanga à verser 10 millions de francs CFA à Pierre Claver Maganga Moussavou plutôt que 3 ou 5 millions de francs CFA ? Quels sont les articles du Code pénal qui justifient une telle décision, car une condamnation ne s’appuie que sur les textes ? Dans tous les cas, le journaliste devrait faire appel pour amener la justice gabonaise à lire le droit et rien que le droit.
James RHANDAL