Gabon/Dissolution du Ministère des TP : Une diversion permanente du Pouvoir en place, selon Raymond Ndong Sima
LIBREVILLE (Equateur) – Dans une publication sur sa page Facebook, l’ancien Premier ministre, Raymond Ndong Sima estime, que la dissolution du Ministère des Travaux publics par le président de la République, Ali Bongo Ondimba, est une diversion de plus, qui révèle en réalité l’incapacité du gouvernement à mettre en œuvre les politiques décidées. Lecture.
La diversion permanente : Les TP avaient-ils les budgets pour leur action ?
Les annonces du Premier ministre qui font suite au mécontentement du président de la République sur la modestie des résultats du gouvernement, relèvent d’une manœuvre de diversion. L’une des mesures-phares de ces annonces, la suppression du Ministère des Travaux Publics, illustre parfaitement cette manœuvre d’évitement destinée à désigner un bouc émissaire à l’échec des politiques décidées.
Il faut d’abord rappeler, que la composition des Ministères n’est pas figée constitutionnellement dans notre pays. Le président qui nomme le gouvernement, choisit à sa guise le regroupement des services administratifs et l’intitulé des Ministères qui forment chaque gouvernement. Pour prendre l’exemple du ministère dissous, il a pris dans le temps plusieurs dénominations : Ministère des Travaux Publics, Ministère de l’Équipement etc.
Nous avons donc été informés hier d’un remaniement du gouvernement, qui a consisté en une affectation des missions de Travaux Publics au Premier ministre. Il n’y a là rien d’extraordinaire, si ce n’est qu’il s’agit de l’une des administrations les plus déployées sur l’ensemble du territoire. Et naturellement, la question qui vient est comment le Premier ministre, chef présumé de toutes les administrations, chargé à ce titre d’en superviser le fonctionnement, va-t-il concilier sa propre action et sa position de contrôleur général de l’administration ? De fait, il se trouve désormais juge et partie.
Chacun notera, que depuis Myboto, les ministres des Travaux Publics se sont toujours vus attribuer les mauvais résultats dans le domaine des routes, voiries etc, mais personne n’a jamais clairement établi le parallèle entre les sommes qui ont été votées et les sommes décaissées dans la même année au profit de ce Ministère. Soit dit en passant, c’est aussi le cas de beaucoup de Ministères sectoriels. De mémoire, les budgets votés en 2010 au profit du Ministère de l’Agriculture n’étaient pas décaissés à 20% à la fin de cette année, tuant dans l’œuf les projets qui en dépendaient. Dix ans plus tard, on se plaint de la vie chère, du coût élevé des produits alimentaires importés etc.
Selon ce qui est devenu une tradition bien établie, les budgets votés ne sont pas ou si peu décaissés au cours de l’année sur laquelle ils portent. Nombre de Ministères se voient ainsi reprochés de faibles résultats, alors qu’ils n’ont pas eu les ressources correspondantes. Chacun se rappelle la question pathétique d’Idriss Ngari : « Y a l’argent où y a pas l’argent ? ». D’une façon plus générale, il y a lieu de s’interroger sérieusement sur la gestion de la trésorerie de l’État.
Mais parmi les autres mesures, celle d’affecter aux gouverneurs la gestion d’une partie des ressources publiques est vraisemblablement la plus révélatrice du changement tant décrié de régime de notre pays. De la République proclamée en 1960, on s’est commué en une monarchie absolue, puisque le président de la République contrôle en pratique l’ensemble des pouvoirs administratifs, politiques et judiciaires. C’est ce pouvoir absolu, qui est l’enjeu principal de la fraude à l’élection présidentielle et la raison principale des fraudes systématiques lors des élections des députés, conseillers municipaux et départementaux.
Si la Constitution a encore un sens, en application de son article 48, les ressources et les charges de l’État doivent, pour chaque exercice financier, être évaluées et inscrites dans le projet annuel de la loi de finances. La décision annoncée hier indique clairement, que le Parlement est désormais une chambre d’enregistrement chargée de donner un semblant de légalité aux décisions déjà prises par le monarque.
Quelle loi de finances l’autorise et quelles ressources la financent ? Ou bien faut-il comprendre, que ceci sera financé sur des fonds secrets, une caisse noire, parce qu’autrement, on serait devant une violation de la Constitution. Mais n’avons nous pas déjà assisté hier à l’adhésion sans débat, du fait du prince, du Gabon au Commonwealth, alors qu’il n’y a même pas 1% des gabonais qui parlent l’anglais.
R. NDONG SIMA