Gabon : Le code électoral expliqué par Lambert-Noël Matha
LIBREVILLE (Equateur) – Au Gabon, le code électoral n’est pas l’émanation de l’exécutif ou du législatif, mais plutôt des acteurs politiques qui fixent eux-mêmes les règles du jeu et y participent, explique le ministre d’Etat en charge de l’Intérieur, Lambert-Noël Matha.
D’après un exposé du membre du gouvernement, c’est à l’issue du scrutin de la présidentielle de 1993 qui a connu des tumultes, que les acteurs politiques des partis de la Majorité et de l’Opposition se sont retrouvés en France pour évoquer le processus électoral. De cette concertation sont nés ’’les accords de Paris’’.
Ces accords ont inspiré le code électoral qui a été adopté par le peuple au moyen d’un référendum en 1995, entrainant en 1996 la promulgation de la loi 7/96 du 12 mars 1996 relative à toute élection politique en République gabonaise.
Les acteurs politiques ont alors créé la Commission nationale électorale (CNE) qui a en charge l’élaboration du processus électoral partant de l’élaboration des listes électorales à la proclamation des résultats. En 1996, la liste électorale connait quelques irrégularités et le ministère de l’intérieur est sollicité pour y mettre de l’ordre sur ladite liste.
En 1998, l’élection présidentielle est organisée sous la loi de la parité (Majorité-Opposition) proposée par les acteurs politiques issu des deux bords. Cette loi s’applique dans la CNE et dans les différentes commissions locales et institutionnelles présidées par des magistrats de la majorité et de l’opposition.
Toujours selon l’exposé du ministre de l’Intérieur, au cours des scrutins qui ont suivi (1998, 2001,2002, 2006), quelques modifications sont intervenues dans le processus électoral donnant lieu à la culture du dialogue entre les acteurs politiques, et toujours en application du principe de la parité.
C’est au sortie de ces dialogues, souligne Lambert-Noël Matha, que les acteurs politiques décident de supprimer en 2006, la CNE qui sera remplacée par la Commission Electorale Nationale Autonome et Permanente (CENAP) dont la présidence sera assurée par de hauts fonctionnaires gabonais de la Majorité et de l’Opposition (parité).
De 2006-2007, la biométrie est introduite dans le processus suite aux griefs récurrents observés dans ledit processus, poursuit-il, avant d’ajouter que c’est entre 2011 et 2012, que le président Ali Bongo Ondimba a procédé à la mise en œuvre dudit principe, qui fait faire au Gabon un saut qualitatif en matière de confection des listes électorales, car la biométrie est un ensemble de technologies qui permettent d’identifier un individu à partir de ses empreintes digitales et faciales.
Par ailleurs, les acteurs politiques requièrent que chaque candidat soit représenté dans les bureaux de vote, et chaque représentant doit avoir à l’issue du vote un procès-verbal qui indique la traçabilité du déroulement du vote et permet au candidat d’avoir une idée des résultats avant l’annonce des résultats finaux, rappelle le ministre d’Etat à l’Intérieur. Toutefois, il convient de souligner que les résultats d’une élection ne sont valables, que lorsqu’ils ont été collectés et inscrits sur des procès-verbaux et annoncés par l’organe en charge de l’organisation du scrutin.
Abordant la concertation politique de mars 2023, le ministre Matha soutient qu’elle avait entre autres objectifs, la modification de la constitution pour harmoniser tous les mandats électifs (présidentiel, législatif, sénatorial, local) ramenés désormais à 1 tour pour une durée de 5 ans.
Les règles du jeu et le corpus juridique sont donc l’émanation des acteurs politiques de la majorité et de l’opposition. En 10 ans, le code électoral en vigueur en République gabonaise est le fruit de la concertation desdits acteurs. Selon les dernières modifications, rappelle le membre du gouvernement, le processus électoral implique deux acteurs principaux à savoir : le Ministère de l’intérieur et le Centre gabonais des élections (CGE).
Dans le processus électoral, martèle le membre du gouvernement, le Ministère de l‘intérieur a pour missions l’élaboration des listes électorales et l’achat du matériel électoral (urnes et isoloirs), tandis que le CGE a en charge la publication du calendrier électoral contenant la date de dépôt des candidatures et la date limite, la date de publication des candidatures, du scrutin et la gestion des contentieux électoraux.
Aussi, déclare M. Matha, pour les prochaines consultations, et pour des raisons de fluidité dans l’organisation des scrutins, le CGE a acté la suppression des enveloppes accolées, la suppression de l’authentification sur les bulletins par les candidats et la réduction du nombre de représentants des candidats dans les bureaux de vote, soit 2 représentants par candidat dans le respect de la parité.
A titre de rappel, les enveloppes accolées ont été initiées en 2006 avant la mise en place de la biométrie. L’enveloppe accolée présente un côté pour le bulletin choisi et un autre pour le bulletin rejeté.
« Ces bulletins doivent être dépouillés à l’issue du vote et en nombre exact. Un exercice délicat et périlleux qui pourrait entrainer l’annulation d’un vote en cas d’égarement d’un seul bulletin au moment du décompte. Et vu le nombre de candidats (dont 19 pour la présidentielle) cela allongerait les délais de dépouillement. D’où l’adoption de l’enveloppe unique estampée CGE », a dit le ministre de l’Intérieur.
Le CGE travaille en partenariat avec certains départements ministériels qui n’ont qu’un rôle consultatif en fonction de leur implication dans le processus électoral. Il s’agit notamment des Ministère de l’Intérieur qui a une maîtrise de la cartographie administrative et territoriale du pays, de la Défense pour assurer l’ordre et la sécurité, l’Education nationale qui met à disposition les écoles pour abriter les centres et bureaux de vote, le Budget pour les questions de paiement, les Affaires étrangères pour les commissions électorales consulaires, et le Ministères des Relations avec les institutions constitutionnelles.
James RHANDAL